Biographie

Fernand Bertemes est un artiste figuratif originaire du Luxembourg, né en 1964 dans le bassin minier d’une famille de fermiers et d’ouvriers.

Dès son plus jeune âge, il est passionné par la peinture et décide de consacrer sa vie à cette forme d’art.

Après avoir étudié à Strasbourg, il commence à exposer en 1985 et depuis, il a réalisé une vingtaine d’expositions personnelles et participé à de nombreuses expositions collectives en Europe.

Fernand Bertemes a vécu à Berlin et New York avant de s’installer près de Paris, où il a construit depuis la fin des années 80 une peinture exigeante qui mêle différents sujets qui lui tiennent à cœur. Il peint des paysages industriels, urbains et animaliers, ainsi que des portraits de ses modèles préférés. Sa peinture est nourrie par son amour et sa connaissance de la peinture classique, tout en étant totalement perméable au monde et à l’art contemporain.

Les œuvres de Fernand Bertemes sont reconnues pour leur vigoureuse approche de la couleur et leur sensibilité à la fois figurative et abstraite. Elles ont été exposées dans plusieurs pays d’Europe et font partie de collections privées et publiques.

À travers ce site web, découvrez l’univers de cet artiste talentueux et ses dernières réalisations.

Parcours

1886-1888

Ecoles des Arts Décoratifs de Strasbourg, section Gravure

1983-1987

Licence en Arts Plastiques, Université des Sciences Humaines, Strasbourg

Expositions individuelles :

2020
« Nature et Omwelt » Fondation Valentini Remerschen, Luxembourg

2018
« Concerto für Wind, Licht und Ensemble », Freden, Allemagne

2016
 » Studio sessions « , Espace Paragon, Luxembourg
 » Entre science et fiction « , Maison Da Vinci, Luxembourg

2014
 » Last exit, new track », Banque Centrale du Luxembourg, Luxembourg
 » Private dancer « , Ambassade du Luxembourg, Londres

2013
 » Sittin’ on the dock of the bay « , 12 Stars Gallery, Londres
 » L’ enfance de l’ art « , Domaine Claude Bentz, Mondorf, Luxembourg

2012
 » Girly summer « , Château de Bettembourg, Luxembourg

2011
 » La mémoire de l’eau « , Espace Paragon, Luxembourg

2010
 » Art au Kirchberg « , Etude Allen & Overy, Luxembourg

2009
 » Incertain monde « , Galerie l’Indépendance, Banque Dexia, Luxembourg
 » On the road again « , Château de Bettembourg, Luxembourg

2006
 » Mémoire vive « , Ambassade du Luxembourg, Paris

2005
 » Puzzling animals « , Château de Bettembourg, Luxembourg

2004
 » Temps de reflection « , Galerie l’Indépendance, Dexia, Luxembourg

2003
 » Time is always now « , Château de Bettembourg, Luxembourg

2001
 » Body and soul « , Galerie Tendances Mikado, Luxembourg

2000
 » Tutti Frutti « , Théâtre d’ Esch sur Alzette,Luxembourg

1999
 » Carnet de voyages « , Château de Bettembourg, Luxembourg
 » Parfums de femmes « , Galerie Mikado, Luxembourg
 » Fin de siècle « , Galerie Dominique Lang, Luxembourg

1997
 » Le sixième jour « , Théâtre d’Esch sur Alzette, Luxembourg

1996
 » Brooklyn expressions « , Bowery gallery, New York
 » Amerikanische Bilder « , Freden, Allemagne

1995
 » Still life « , Galerie Dominique Lang, Dudelange, Luxembourg

1994
 » Printemps « , Galerie Villa Falk, Innsbruck, Autriche

1993
 » Peintures récentes « , Association Parlementaire Européenne Le Caveau Strasbourg
 » Berliner Impressionen « , Galerie Clairefontaine, Luxembourg

1992
 » Peintures intimes « , Château de Bettembourg, Luxembourg
 » Peintures de New York « , Marion Merrell Dow Research Institute,

Strasbourg

1989
 » Sacrifice « , Galerie Léa Gredt, Luxembourg

1988
 » La Chute des Idoles « , Théatre des Capucins, Luxembourg

1987
 » Oeuvres de jeunesse « , Theaterstiffchen, Esch sur Alzette, Luxembourg

Expositions de groupe :

2021
« Art Célébration » , espace H2O, Oberkorn

2016
 » Art 2 cure « , Luxembourg

2015
 » Art 2 cure » , Luxembourg

2012
 » Figures de style III » Espace BGL, Luxembourg

2011
 » Frenn vun de Caper Piwitschen  » Capellen, Luxembourg

2010
 » Ciel, mon art « , Espace H2O, Differdange, Luxembourg

2009
 » Art et Industrie « , Espace Paragon, Luxembourg

2007
 » Le paysage ds la peinture luxembourgeoise « , Musée d’Histoire et d’Art

2005
 » Farben Diebe « , Château de Bettembourg, Luxembourg

2004
Hommage aux artistes luxembourgeois, Galerie Le Tunnel, BCEE, Luxembourg

2003
 » De Manessier à Wim Delvoye « , Musée National d’ Histoire et d’Art, Luxembourg

2001
Salon de Montrouge, Paris
Musée Amadeo de Souza Cardoso, Amarante, Portugal
Monastère de San Gugat Del Valles, Catalogne, Espagne

1999
 » Tout Lézard « , Chambre de Commerce, Strasbourg

1998
Salon de Montrouge, Paris
 » Multiples de 4 “, Espace La Pierre Large, Strasbourg

1997
 » Juried show « , Synchronicity Space, New York

1994
Salon de Printemps, Théâtre Municipal, Luxembourg
PasspARTout, Musée de la Ville d’Andernach, Kunstlerhaus Metternich, Koblenz
Salon de Montrouge, Paris
Cercle artistique du Luxembourg, Kurfürstlicher Palais, Trier
Festival International de Peinture, Château Musée Grimaldi, Cagnes sur Mer
 » Project for Europe « , Turbine Hall, Copenhague

1993
VIème Quinquennale, Esch sur Alzette

1992
Konschthaus Beim Engel, Luxembourg Galerie Municipale, Esch sur Alzette
Prix de la Ville de Sarreguemines, France
Galerie Clairefontaine, Art Fair, Los Angeles

1991
 » Art au Luxembourg « , Centre Borschette, Bruxelles
Bowery Gallery, New York

1990
 » La Jeune Peinture Contemporaine au Luxembourg  » , Moscou, Helsinki, Varsovie, Luxembourg
 » Ardoises « , Galerie du Faisan, Strasbourg

1989-1990
 » Etoiles de la Peinture « , Strasbourg et Paris

1989
 » 40 Peintres Luxembourgeois « , Haus Metternich, Coblence

1988
 » Ateliers », Galerie du Faisan, Strasbourg
 » Peintres d’Ailleurs et d’Aujourd’hui « , Ancienne Laiterie, Strasbourg
 » Giovane Arte Lussemburghese « , Palazzo Barberini, Rome

1985
93e Salon du Cercle Artistique, Luxembourg

1985,87,89
Biennale des Jeunes, Esch sur Alzette

1993
Séjour à Berlin

1990-1998
Séjours réguliers et prolongés à New York

1990-1991
Séjour à la Cité Internationale des Arts, Paris

1998
Prix du Conseil Municipal, Montrouge

1994
Mention du Jury, Cagnes sur Mer

1993
Médaille d’Argent, Prix de la Ville de Sarreguemines

1987
3ème Prix de la Critique, Biennale des Jeunes, Esch Sur Alzette

1985
Prix d’Encouragement à la Jeune Peinture, Luxembourg

  • Musée de la Ville de Luxembourg Musée d’Histoire et d’Art, Luxembourg
  • Banque Caisse d’ Epargne d’Etat, Luxembourg
  • Permanent Mission of the Grand-Duchy of Luxemburg to the United Nations, New York Ambassade du Luxembourg, Paris
  • CRP Henri Tudor, Luxembourg
  • Commune de Bettembourg, Luxembourg
  • Commune de Dudelange, Luxembourg
  • Ville d’Esch sur Alzette, Luxembourg
  • Commune de Sanem, Luxembourg
  • Commune de Schifflange, Luxembourg
  • Banque Centrale du Luxembourg, Luxembourg
  • Imprimerie Centrale, Luxembourg
  • CRP Henri Tudor, Luxembourg
  • Etude Allen & Overy, Luxembourg

2002
Time is always now

2004
Temps de reflection

2009
Incertain monde

Entretien

Au début, la peinture représentait pour moi un moyen de canaliser une rage intérieure très profonde et de m’exprimer. C’était comme un cri, un reflet de ce que je ressentais. C’était un moyen de me retrouver moi-même, notamment à travers des autoportraits très violents.

Ce que je fais maintenant, c’est devenu plus complexe. Il y a d’autres idées, de nouveaux défis picturaux, un besoin de faire évoluer mon travail. La peinture est devenue une fin en soi et non plus un moyen.

Ma volonté de peindre était très claire depuis l’âge de 16 ans. J’ai fait des études d’art à Strasbourg, où j’ai élargi mes connaissances de la peinture, mais l’enseignement y était très académique et sur le plan de l’art contemporain, je restais sur ma faim. Jusqu’à l’âge de 19 ans, j’avais vécu au Luxembourg, où l’on continuait à voir et à glorifier une abstraction formaliste dérivée de l’Ecole de Paris. De même, à la faculté de Strasbourg, on croyait voir encore les fantômes de Matisse et Picasso hanter les salles de cours…

Mon premier vrai choc pictural est venu d’Allemagne, avec les Nouveaux Fauves comme Salome ou Luciano Castelli qui réactivaient un ” Hunger nach Bildern “, un appétit de peinture. J’avais trouvé quelque chose à quoi je pouvais m’identifier vraiment. C’était une peinture jeune, figurative, au coloris vif, exécutée très vite et avec spontanéité. A partir de là, j’ai commencé à rechercher mon style personnel. Beaucoup d’autoportraits sont nés à cette époque, aux couleurs violentes, témoignant de ma lutte pour trouver mon identité d artiste face à un milieu familial très hostile à mes choix.

Parallèlement, j’ai peint beaucoup de paysages de mon enfance, comme le moulin de Lamesch, le château de Bettemboug, ou la ferme de mes grand-parents, avec les tracteurs et les animaux. Mes frères et tous mes amis ont posé pour moi. En quelque sorte, je peignais tout ce qui m’était proche. Mon carnet de croquis était un outil inséparable, il m’accompagnait lors de toutes mes sorties.

Ces premières recherches picturales, je les ai exposées très jeune, dès l’âge de 21 ans.

C’était lors d’expositions collectives. De très grands formats. La toute première toile, je m’en souviens, c’était une interprétation d’un tableau de James Ensor, où des diables le tourmentaient. Je me l’étais approprié en réalisant un autoportrait. Il y avait aussi des scènes d’atelier avec un modèle posant…

Ma première expo personnelle s’appelait ” La chute des Idoles “. C’était une remise en question de toutes les valeurs qu’on croit acquises, comme l’autorité parentale, ou l’autorité en général, et tous les pouvoirs qui viennent soi-disant d’en haut… L’anarchiste en moi était en colère. J’avais 23 ans, je voulais refaire le monde!

Mais j’ai senti aussi les limites de la colère. Elle vous porte jusqu’à un certain point, mais au-delà, elle n’est plus constructive, et pour la maîtriser j’ai dû m’éloigner de la figuration, pour me recentrer sur la peinture elle-même. J’ai frôlé l’abstraction pendant une période passagère.

C’était surtout une recherche pour trouver de nouvelles harmonies colorées, souvent dissonantes. Au lieu de peindre un objet, je me suis concentré sur la couleur émotionnelle que l’objet stimule en moi. Ce n’était pas une abstraction formaliste, mais la recherche d’un chromatisme personnel.

Le premier état d’un tableau a toujours un fonctionnement abstrait. Je cherche immédiatement une harmonie colorée. Il y a aussi le facteur de la vitesse qui est très important. Même dans les peintures monumentales, il s’agit de travailler très vite toute la surface, de l’organiser en grandes plages de couleurs qui sont dictées par la charge émotionnelle du sujet. Les premiers états doivent toujours être très spontanés, très instinctifs. Puis peu à peu, la composition s’organise, la forme se précise. Il me faut trouver une tension entre les choses très abstraites, ou à peine reconnaissables ( notamment sur les bords de la toile, qui restent très ouverts ) et une focalisation plus figurative sur ce qui m’intéresse, que ce soit une figure humaine, une nature morte ou peu importe. Je tiens beaucoup à cette tension.

Parfois aussi, il m’arrive de ” recycler ” des toiles, c’est-à-dire que je reprends des tableaux dont j’aime encore l’harmonie ou la dysharmonie mais dont la composition ne me satisfait pas, et je peins autre chose dessus. Même à l’état final, il reste toujours quelque chose de cette toile sacrifiée, des éclats de couleurs contradictoires, des épaisseurs injustifiées. Cela confère à ces peintures ” un passé ” en quelque sorte, une vie propre.

Il y a toujours plusieurs manières de finir un tableau. Il y a un moment où tout est potentiellement possible, où je me trouve devant une infinité de choix : est-ce que je pousse les formes vers plus de figuration ? Est-ce que je privilégie l’harmonie des couleurs ? Est-ce que je reste fidèle à la perspective ? Est-ce que je pousse plus les détails ? Par exemple, pour les séries de ports industriels ou de sidérurgie, il était important pour moi de faire comprendre la complexité des mécanismes, et j’ai choisi la superposition d’un état très pictural pour l’atmosphère et d’un état d’une grande précision pour les structures métalliques. Mais parfois je préfère laisser la toile plonger dans le mystère, avec un caractère d’inachevé, de flou, de fantomatique, comme la toile de Dorian Gray. Il y a toujours un moment, palpitant et inquiétant à la fois, où je dois prendre ce genre de décisions, et les solutions plastiques sont dictées par la vision que je veux créer.

Le choix d’un sujet correspond toujours à un état d’âme à un moment précis. Dans les premières peintures d’Indiens, il y avait, je m’en souviens, une vision très romantique de la chose, une forme de nostalgie face à la disparition de ce peuple. Peu à peu, cela m’a paru presque naïf de continuer dans ce sens, et j’ai évolué vers des compositions assez brutales, des collages à la sauvage, reprenant des débris d’imagerie traditionnelle, de folklore, de noms de peuples indiens adoptés par les Blancs pour des chaînes de Tex-Mex comme Indiana, ou pour l’industrie de l’armement, comme les missiles Tomahawk ou Thiokol. Cette idée de recyclage d’une culture détruite constituait la phase finale de ma série sur les Indiens. Pour moi, elle est définitivement close.

Par opposition, le choix du sujet de l’artiste et son modèle se poursuit depuis mes débuts jusqu’aujourd’hui. C’ est le propos pictural qui reste intéressant. Mes modèles ont changé au cours des années, c’est lié à de nouvelles rencontres, à des échanges. Dans ce type de travail, je tiens compte de la personnalité du modèle, de ses idées, de ses envies, je peux intégrer un répertoire de poses lié à son propre corps. Ainsi, un même sujet peut garder toute sa fraîcheur et son intérêt, et mérite d’être poursuivi.

Actuellement, surtout dans ma vie quotidienne, dans mon univers intime. Les endroits que je découvre, les paysages que je traverse, ou bien mon atelier, les amies qui posent pour moi, mon chien, des éléments de mes collections, comme les gravures d’encyclopédie, ou les insectes. Je suis très perméable aux choses, tout peut finir dans un tableau… Je crois vraiment qu’il est possible de faire évoluer les sujets classiques comme le nu ou la nature morte, de les rendre pertinents, et contemporains.

Pour le moment, c’est vrai, j’éprouve moins le besoin de choisir des sujets radicaux pour réaliser des ” peintures-manifestes “( comme ‘Paint what you like’, ‘Clearing a corridor’, ou ‘Run with the square fellow’ par exemple ).Cela reviendra sûrement, mais pour l’instant, mon propos est plus pictural. Ma réflexion porte plutôt sur la peinture en général.

Effectivement, la littérature m’a souvent fourni des idées de peintures. Par exemple dans ” Dorian Gray ” d’Oscar Wilde, j’adorais l’idée de ce tableau qui s’anime d’une vie propre, qui se transforme. Je l’ai transposée dans un intérieur à l’atmosphère flottante, peuplé d’animaux où l’on ne peut dire s’ils sont vivants ou empaillés, immobiles ou en mouvement, s’ils apparaissent ou se dissolvent. Même les meubles ont un caractère fantomatique…

” La chute de la Maison Usher ” d’Edgar Poe, m’a également servi de point de départ pour une série de dessins du Château de Bettembourg, lorsqu’il était en travaux, étayé, en partie démoli. J’y ai retrouvé cette idée d’effondrement.

Mais évidemment, c’est la musique qui m’inspire en permanence. A longueur de journée, j écoute des disques en travaillant. Dans les premiers états de mes peintures, il y a cette idée de vitesse qui est très importante, et choisir des musiques précises influence le rythme avec lequel je couvre la surface de la toile, dans un premier jet, pour trouver l’univers coloré. Il y a un feed back entre la musique et la peinture.

C’est souvent du rock progressif allemand ( Can, Amon Düll, Tangerine Dream…) avec une ambiance très particulière, des sonorités et des constructions très expérimentales. J’aime aussi la musique post-punk, un de mes groupes fétiches, The Fall, marche à tous les coups! C’est saccadé, très instinctif, brutal, comme ” Raw Power ” d’Iggy Pop qui me pousse à marteler la toile en quelques gestes.

C’est une règle absolue, il y a toujours de la musique quand je travaille. Même quand je peins dehors, pour la sidérurgie par exemple, outre les bruits propres au lieu, j’ai fait résonner les hangars et trembler les hauts fourneaux avec les Clash ou les Einsturzende Neubauten ! Cela renforçait la couleur de l’atmosphère.

Tout à fait. Dès le début, j’ai travaillé d’après nature, car les changements de lumière, les conditions climatiques, ont un grand effet sur un tableau. Bien sûr, il y a une certaine forme de réalisme dans ce que je peins mais la vision colorée m’est très personnelle et il est fondamental pour moi d’inscrire mon vécu dans un paysage, pour le traduire.

Outre la manière de peindre, le choix des lieux est très important. Mise à part la série de Provence, j’ai un goût prononcé pour la peinture urbaine. Les grandes villes me fascinent. J’ai fait mes premières expériences à Berlin, peu après la chute du mur. J’ai peint ce Berlin en pleine mutation, avec ses terrains vagues, no man’s lands, squatts. C’étaient pour moi des sujets inédits, où je n’avais pas de références.

Pareil pour New York. J’ai commencé la série sur le toit de l’atelier d’abord situé à Manhattan. J’avais une fascination pour l’effervescence des scènes de rues, avec les taxis jaunes, les musiciens, cette énergie démesurée, très séduisante, bien qu’un peu vaine. Peu à peu, j’ai pris de la distance, et j’ai orienté mes choix vers des sujets plus inhabituels, moins spectaculaires. Le skyline n’était plus le sujet principal, mais accessoire dans le fond. Je me suis éloigné de Manhattan, pour découvrir et peindre les faubourgs industriels, les châteaux d’eau, les ports en voie d’effondrement, les usines désaffectées.

Tout à fait. Après le choix de sujets un peu outsiders à Berlin et New York, c’était effectivement une suite logique pour moi de traiter les friches du Luxembourg. C’était aussi un choix très sentimental de ma part. Je suis né dans le bassin minier, et je garde en souvenir tous les hauts fourneaux en activité, la vapeur des lacs de refroidissement, l’air rouge au dessus des coulées de métal en fusion. C’était le décor de mon enfance.

J’ai peint cette série pendant des semaines, tous les jours sur le site, et de cette effervescence passée, il ne reste que des souvenirs, des grincements, des couinements, le bruit des corbeaux, le vent qui siffle sur les tôles. C’est un endroit extrêmement chargé, plein de vibrations. Une expérience vraiment impressionnante.

C’est juste. J’ai choisi exprès le site Arbed Belval où mon père était ouvrier. C’était important pour moi de découvrir les restes d’un monde où il a passé sa vie, comme beaucoup d’hommes de sa génération.

Il y a toujours eu un va-et-vient entre les deux. La peinture d’extérieur me permet de me défouler après une longue période de concentration à l’atelier. Cela stimule un côté très spontané chez moi, qui m’aide à garder une certaine fraîcheur de regard. Tandis que pour les compositions d’atelier, je dois canaliser mon énergie, travailler d’une manière plus retenue, plus préméditée. Trouver des résonances ou des dissonances entre des supports différents, la toile, le bois, les tissus imprimés. Créer des confrontations, des associations d’ordre visuel ou poétique. Parfois ces rapports sont immédiats, parfois ils demandent des semaines de recherche. Il arrive que l’idée précède le tableau, mais elle peut aussi venir ou se modifier au cours du travail. Il faut toujours être attentif et rester ouvert à ces glissements de terrain de la pensée. Dans ce type de compositions, le déclic peut être de n’importe quel ordre. C’est comme dans un puzzle, la recherche de la pièce manquante… Par exemple, pour ” Lady of the Dancing Water ” mon point de départ était une femme très cambrée et j’ai cherché un contrepoint, pour répondre à cette cambrure exagérée. Cela a donné la rencontre très improbable de la femme et de l’hippocampe! J’aime bien ce genre de frottements, de cohabitation étrange.

Pour ” Les fleurs de l’Immortalité “, j’avais au départ une vieille peinture inachevée que j’ai recyclée en ne gardant que l’iguane. Puis de nouveau, j’ai calé, la panne! La peinture a traîné longtemps dans l’atelier, jusqu’au jour où j’ai trouvé un tissu gris imprimé avec des fleurs. Et là, tout s’est décoincé. Les personnages se sont imposés, de même que l’atmosphère vaporeuse, les couleurs éteintes, très inhabituelles chez moi. Cela donne quelque chose comme une vision d’outre-tombe, à la fois apaisée et vaguement inquiétante et qui m’a soufflé le titre, en référence à la légende de Gilgamesh.

En quelque sorte, oui. Au début, dans mes séries de natures mortes ou dans les dernières peintures d’Indiens, je peignais souvent des choses isolées, séparément, comme un crâne de vache, un buffle, une tête d’ours, et je les collais ensuite directement sur le tableau. J’utilisais des matériaux différents, des tissus, des papiers, du bois récupéré, et je les assemblais d’une manière assez brutale. Dans les nouvelles séries, le collage est devenu plus subtile, il a dérivé. Les éléments hétéroclites ne sont plus collés sur le support, mais deviennent eux-mêmes des supports qui se juxtaposent.

Les sujets des toiles procèdent de même, ce sont des confrontations, des collages d’idées ou de formes.

Bien sûr. Le fait d’habiter dans différents pays vous confronte à des paysages, des lumières, des ambiances différentes. Mais le plus important, c’est l’esprit d’un pays ou plutôt d’une culture qui est fondamental et marquant. En tant que Luxembourgeois,je me sens issu d’une culture plutôt germanique et j’ai toujours été très sensible à un esprit nordique, très expressionniste en général. Je pense à des peintres comme James Ensor, Kokoschka… Le fait de vivre en France, de voyager un peu en Italie, m’a remis en contact avec une culture plus latine, avec les peintres de la Renaissance italienne, que j’aime beaucoup. Ce quelque chose de plus chaud, de plus méridional, a enlevé un peu de la tourmente dans le choix de mes sujets. Bien sûr aussi, lors de mes voyages en Amérique, je ne suis pas resté imperméable à l’esprit des peintures de Hopper et plus récemment, de David Salle, Ross Bleckner, Eric Fischl, Ray Smith.

Rétrospectivement, quand je regarde mon travail, j’y vois l’influence de ces trois cultures que j’ai en partie assimilées, et je trouve que ma peinture a perdu de son côté expressionniste pur et dur.

Tout à fait, mais ils changent à chaque période de mon travail. Ils se succèdent avec le temps. Par exemple, au moment où ma peinture était presque abstraite, ma référence absolue était Cy Twombly et Asger Jorn. Parfois l’influence porte sur le geste ou sur la thématique selon mes besoins. Je me souviens que Baselitz a été très important pour moi, mais au moment où mon travail s’est détaché d’un certain primitivisme de la forme, ” ungehobelt ” comme dirait Baselitz,un certain ” culte du laid ” dans le choix de coloris éteints, j’ai pris mes distances et j’ai cherché autre chose.

Mais d’une manière assez constante, le peintre qui continue à me troubler est Peter Paul Rubens. Dans ses grandes compositions, il y a ce jeu au niveau de la perception dans la cohabitation du flou, du net, du charnel, qui me laisse toujours perplexe, et qui me parle encore.

Non, pas du tout. Bien sûr, nous sommes au début du XXIème siècle et je suis intéressé par l’art contemporain. Je me sens en phase avec des peintres comme Neo Rauch, des artistes comme Matthew Barney, des photographes comme Jeff Wall, Sam Taylor-Wood, la vidéaste Pipilotti Rist…

Mais je tiens à garder un rapport complètement décomplexé vis à vis de l’art classique.

Non, pas au sens classique du terme. Pour moi, la beauté est toute relative. Ce n’est absolument pas un critère dans le choix de mes sujets. J’ai souvent peint des objets de ma collection, comme un crâne de vache, des insectes, des oiseaux morts trouvés dans le jardin. Pour moi, cela n’a rien de morbide ou de négatif, tant qu’il y a quelque chose qui me touche. Les critères ” esthétiques ” n’entrent plus en jeu, comme chez le dessinateur allemand Horst Janssen. De même Lucian Freud, dans ses nus, atteint une forme touchante de beauté bien qu’il travaille avec des modèles au physique souvent ingrat.

Actuellement, je travaille sur un cycle de peintures monumentales destinées au Centre de Recherche Henri Tudor qui est en cours de construction à Luxembourg-Ville.Ce sont des peintures réalisées sur mesure pour ce bâtiment. Les formats sont dictés par l’architecture et j’interviens aussi dans le choix de la couleur des murs. Pour moi, c’est une chance de sortir du contexte du ” white cube “, lié aux expos en galerie.

J’ai choisi comme sujet la cohabitation entre le monde animal et le monde mécanique et technique au sens large. Le premier volet de ce travail ( qui clôture ce livre ) est une vision revisitée de l’Arche de Noé, où les animaux sont déchargés du bateau par grues, sous un ciel peuplé d’avions et de machines volantes. D’une certaine manière, cette peinture est une synthèse où j’ai condensé toutes mes expériences. Le travail sur les friches industrielles, sur les animaux, les objets, se combinent et se nourrissent mutuellement pour arriver à visualiser mon psychédélisme intime…

Le reste du cycle est constitué de 5 tableaux de 3 x 3m, destinés à la cage d’escalier. Dans chaque composition, je vais associer un type d’animal à un type d’objet, comme par exemple les singes et les poulies.

Non, pas du tout. Mon rapport au temps à travers la peinture a beaucoup évolué ces dernières années. Au début, il fallait aller vite, tout essayer, tout tenter, prendre le risque de se tromper. Maintenant, cette diversité, ce foisonnement, cette accumulation, je les ai gardé pour tout le travail de recherche préparatoire et je les mets au service de peintures plus complexes, où l’urgence de terminer est secondaire par rapport au résultat final. Passer 4 mois sur un seul tableau ne m’effraie plus. C’est pour moi un nouveau défi…